Depuis quelques jours, une question revient sans cesse sur les réseaux : Fnac Darty pourrait-elle devenir la prochaine enseigne française à passer sous pavillon chinois ? Le sujet surgit dans un climat déjà tendu autour de Shein ou Temu, ce qui alimente les inquiétudes.

Pourtant, la situation est beaucoup moins sensible qu’elle n’en a l’air, même si elle reste stratégique. On vous explique ce qui se joue réellement avec l'entrée de JD.com, troisième acteur du e-commerce chinois, au capital de Fnac Darty.
JD.com ne rachète pas Fnac Darty, mais entre indirectement dans son capital
Le groupe chinois JD.com, poids lourd du e-commerce en Chine derrière Alibaba, finalise actuellement le rachat de Ceconomy, autre poids lourd, européen cette fois, qui possède notamment MediaMarkt et Saturn avec plus de 1 000 magasins dans 11 pays. Ceconomy détient environ 22 % du capital de Fnac Darty. En rachetant Ceconomy, JD.com récupère donc ces parts, mais sans racheter Fnac Darty lui-même. C’est une nuance essentielle : il n’y a ni offre publique d’achat, ni prise de contrôle, ni arrivée d’un représentant chinois au conseil d'administration du groupe français.
JD.com n’obtient ainsi aucun pouvoir direct sur la gestion de l’enseigne française, dont le premier actionnaire reste Daniel Křetínský, propriétaire d’environ 29 % des parts. Le groupe chinois devient simplement actionnaire indirect, à travers une structure intermédiaire.
Pourquoi Bercy réagit-il aussi vite et aussi fort ?
Même si JD.com ne prend pas le contrôle de Fnac Darty, le gouvernement français a décidé de surveiller l’opération de très près. Le ministère de l’Économie demande au groupe chinois de passer par le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France (IEF). Cette procédure, obligatoire pour tout acteur non européen entrant dans le capital d’une entreprise jugée sensible, permet d’imposer des garanties. Bercy veut s’assurer que l’arrivée de JD.com ne perturbera ni l’emploi, ni les chaînes d’approvisionnement, ni les équilibres industriels, notamment dans l’électroménager où plusieurs marques françaises ont encore des lignes de production locales.
Le gouvernement redoute également une influence indirecte sur la stratégie commerciale de Fnac Darty. Les discussions se déroulent dans un climat politique où la question de la souveraineté économique est omniprésente. La France cherche à éviter une situation où un géant étranger disposerait d’un levier significatif sur une enseigne très ancrée dans le paysage national.
Pourquoi Fnac Darty attire autant l’attention de JD.com ?
Le groupe Fnac Darty est un acteur majeur en Europe. Avec plus de 1 500 magasins dans 13 pays, une forte présence dans les produits culturels et une position dominante dans l’électroménager, il fait partie de ces entreprises capables d’influencer les habitudes de consommation tech. Le groupe investit massivement dans la réparation, dans la durabilité et dans les services, un positionnement rare dans la distribution.
Face à lui, JD.com avance ses pions sur le continent européen. Il déploie progressivement Joybuy, sa marketplace internationale, et dispose déjà de plusieurs entrepôts logistiques en Europe. Son expertise dans les systèmes automatisés de préparation de commandes et dans la livraison rapide est l’une des plus avancées au monde. La présence de JD.com dans le capital de Fnac Darty, même indirectement, offre donc une porte d’entrée stratégique à un acteur chinois qui cherche à rivaliser avec Amazon en Europe.
Fnac Darty sous pavillon chinois : un scénario possible ou un fantasme ?
Aujourd’hui, aucun élément ne laisse penser que Fnac Darty pourrait être racheté. Pour que cela arrive, JD.com devrait non seulement investir directement dans le capital du groupe français, mais aussi obtenir l’aval du gouvernement et convaincre le premier actionnaire de céder du terrain. Rien n’indique qu’une telle stratégie est en cours. Les autorités françaises disposent par ailleurs des moyens réglementaires pour empêcher une montée en puissance jugée trop invasive. Même si JD.com décidait un jour d’agir, le processus serait long, politiquement sensible et probablement très encadré.
Ce qui pourrait changer malgré tout pour les clients
Même en l’absence de changement dans la gouvernance, l’arrivée de JD.com dans l’écosystème européen pourrait se faire sentir. Le groupe chinois maîtrise une logistique parmi les plus performantes du monde et pourrait contribuer à accélérer les délais de livraison, à élargir l’offre disponible ou à renforcer la compétitivité tarifaire sur certains produits électroniques. À l’inverse, certains craignent une pression accrue en faveur de produits importés d’Asie au détriment de la production européenne, ce qui explique la vigilance du gouvernement.
Fnac Darty ne devient pas chinois. L’opération engagée par JD.com concerne Ceconomy, un actionnaire intermédiaire, et ne se traduit par aucun changement immédiat pour l’enseigne française. Toutefois, ce dossier révèle un enjeu plus large : la bataille mondiale pour le contrôle de la distribution technologique en Europe. Entre les ambitions de JD.com, la puissance d’Amazon et la volonté de protection du gouvernement français, la partie ne fait que commencer.
Sources : Franceinfo, lsa-conso